Face aux comportements douteux de certaines sociétés de portage salarial, Sylvain Mounier crée en 2017 la FEDEP’S, une association de défense des utilisateurs du portage salarial à but à non lucratif. Par la suite, l’association lance le label Zéro Frais Cachés, une certification reconnue par l’État qui permet de trouver des sociétés de portage salarial sérieuses et honnêtes.
Découvrez à travers l’interview de Sylvain Mounier « les raisons d’être » de la FEDEP’S et de l’importance du label Zéro Frais Cachés.
Quel est votre parcours ?
Je suis diplômé de Central Sup Élec. J’ai commencé ma carrière dans un groupe international et rapidement, j’ai été salarié et j’ai travaillé dans une entreprise de portage salarial depuis 1999. Cela date de quelques années. En 2017, j’ai créé la FEDEP’S, l’association de défense des salariés et des utilisateurs du portage salarial. Je ne suis plus salarié. Je ne travaille plus pour des sociétés de portage salarial depuis 5 ans.
Pourquoi avoir créé la FEDEP’S ?
Début 2017, je me suis rendu compte que les sociétés de portage salarial trichaient dans les bulletins de paie et c’était vraiment une nouveauté ! Cela faisait des années que je travaillais dans le portage salarial et je m’en suis rendu compte. Ça m’a vraiment intrigué et j’ai décidé de faire une enquête approfondie. J’ai passé six mois à éplucher le bulletin de paie de beaucoup de sociétés de portage salarial, avec l’appui des salariés qui étaient portés chez elles. Je me suis rendu compte de l’ampleur de cette pratique de “surfacturation des charges patronales” dans le bulletin de paie. C’était un système bien établi. C’est ce qui m’a conduit, avec l’appui des salariés portés, d’être lanceur d’alerte. On a créé la FEDEP’S, l’association de défense des utilisateurs du portage salarial. L’association est à but non lucratif et j’exerce à titre purement bénévole.
La FEDEP’S, une association faite pour durer ?
D’abord, je pensais que cela allait être résolu en 3 mois. J’ai été très naïf. Vu le degré de grossièreté de l’escroquerie… parce qu’on parle de faux en écritures dans le bulletin de paie, je me suis dit “je préviens les médias”. Je préviens la justice en premier, les médias en deuxième et dans trois mois l’affaire est réglée. Les entreprises vont faire marche arrière et vont régulariser. Cela n’a pas été le cas. J’ai le sentiment d’une injustice. C’est beaucoup de temps passé à aider les autres de façon bénévole. Oui, j’ai des doutes : pourquoi je fais ça ? La réponse est que, si moi je lâche, l’escroquerie continue, la pratique continue. Quelque part c’est dommage donc, j’ai envie de terminer le “job” comme on dit.
La FEDEP’S, une association au service des salariés portés ?
L’objet de l’association… Le premier désir, c’est de mettre fin à l’escroquerie, aux surfacturations et aux frais cachés dans le portage salarial, parce que c’est le gros sujet dans le portage. Après, on peut regarder le détail des offres, mais le premier point est que les entreprises de portage salarial arrêtent de tricher. C’est l’objectif principal de l’association. Ensuite l’association, c’est l’association des utilisateurs du portage salarial, salariés comme entreprises, on répond à tout type de demande. La première étant l’analyse de la fiche de paie, l’analyse de dossiers et de pratiques de la société de portage salarial, mais cela peut aussi être des litiges avec les sociétés de portage salarial, des questions qui se posent sur la légalité ou non et le cadre juridique autour du portage salarial.
La FEDEP’S, une association médiatisée ou non ?
On a été bien servi par les médias. Il faut savoir que le portage salarial n’est pas très médiatique. Pourtant le label, la FEDEP’S et la pratique des frais cachés ont été couverts par de grands médias nationaux, je pense au Monde, aux Echos, à Europe 1, à l’excellente enquête de Benoît Collombat dans “Secrets d’info” de France Inter. On a été sur France 3, Médiapart et j’en passe… Il y a eu une quinzaine de médias radio, télé et papier. Le sujet a été bien couvert. Malgré une bonne présence médiatique, ça passe. On a un article puis les gens oublient. Aujourd’hui, pour le portage, on estime entre 30 000 à 70 000 salariés portés selon les estimations et c’est encore des milliers de personnes qui se font avoir sans s’en rendre compte. Parce qu’elles n’ont pas lu à ce moment-là telle édition des Echos et n’ont pas été au courant. Maintenant, la plupart des portés se disent “Ah oui, il y a une rumeur qui dit comme quoi il y a une histoire dans le bulletin de paie… mais cela ne doit pas concerner ma société.” Attention, il y a encore plein de gens qui ignorent et qui se font avoir sans le savoir.
Qu’est-ce que le label Zéro Frais Cachés ?
Le label Zéro Frais Cachés a été lancé en 2020 pour une bonne et simple raison, c’est qu’à un moment donné, on dénonçait les pratiques et beaucoup de nos adhérents et salariés disaient “Ok, mais moi, je veux continuer en portage. Ok, je me suis fait avoir par une société mais vers qui je me tourne ? Vers quelle société de portage salarial je me tourne ?” On a commencé dès 2017 à recommander les sociétés de portage salarial mais le problème est qu’on recommandait des sociétés qu’on n’avait pas auditées. Nous avons donc mis en place un audit. Le label Zéro Frais Cachés est un label attribué par la FEDEP’S, l’association des utilisateurs du portage salarial, à des entreprises qui ont accepté d’être auditées. Suite à un audit complet avec un pré-audit, un audit financier et juridique, on passe à la moulinette deux ans de compte. On a l’ensemble des comptes de la société qui sont analysés. On garantit à la fois le respect juridique des obligations légales d’une société de portage salarial, à la fois une solidité financière et surtout la transparence. On vérifie qu’il n’y a pas un centime qui est récupéré en chiffre d’affaires du salarié porté et qui ne lui est pas rétribué en-dehors des frais de gestion, négociés en toute transparence.
Le label Zéro Frais Cachés, un label reconnu ?
Le label a été lancé en 2020. Au départ, il a été lancé avec 6 sociétés. On en a eu 6, 7, 8, 9… Aujourd’hui, on a 9 sociétés. Il a été reconnu en 2022 comme marque de garantie. Il est reconnu par l’État comme une marque de garantie au même titre que le label Bio ou le label Rouge.
Les pratiques de commissions cachés évoluent-elles ?
Les sociétés ont évolué dans leurs pratiques, parfois on voit cela dans le bulletin de paie, parfois dans les comptes des portés, c’est caché dans une masse salariale ou dans le versement du salaire. Le montant est gonflé par rapport au montant réel du bulletin de paie. Vous voyez que les pratiques évoluent et ce ne sont pas les seules pratiques. On peut récupérer des sous sur la TVA. Il y a des astuces sur la formation professionnelle. Parfois des entreprises, elles sont rares, mais qui mettent en place des doubles facturations. Je ne veux pas donner tous les trucs. Il y a beaucoup de façons de tricher dans le portage salarial. Il faut comprendre qu’au départ c’est très simple : on récupère le chiffre d’affaires et on va payer un salaire. Mais entre les deux, il y a beaucoup de choses : les charges patronales, c’est assez complexe, la fiscalité, ce qu’on paie… par exemple, des taxes légales qu’on peut enlever mais le calcul lui-même des taxes peut être biaisé. Le milieu du portage salarial fourmille d’innovations sur la façon de pouvoir prendre des frais cachés.
Un exemple de frais cachés ?
Un salarié porté a un bulletin de paie normal. Malheureusement, dans cette société de portage salarial, il décède. Le salarié porté décède. Sa femme contacte la société de portage et se rend compte qu’il n’était pas assuré en prévoyance. Alors qu’il payait ses cotisations de prévoyance. On peut le vérifier sur le bulletin de paie, elles étaient au bon niveau légal mais l’entreprise de portage salarial ne les avait pas payées. Elle n’avait pas déclaré le salarié en prévoyance. Voilà un exemple qu’on ne peut pas détecter sur le bulletin de paie. Des exemples de ce type, j’en ai des dizaines.
Est-ce difficile pour une société de portage salarial d’être transparente ?
Bah non ! C’est le plus facile. C’est évidemment le plus simple. En portage c’est très basique quelque soit ce que veulent faire croire certains lobbying. C’est basique en portage ! Tout le monde le comprend. Il y a le chiffre d’affaires, des frais de gestions négociés en fixe ou en pourcentage. On enlève les frais de gestion et ce qui reste, c’est pour le salarié porté. C’est du montant disponible pour le salarié porté. Il n’y a pas de charges d’entreprise, pas de taxes. On prend là-dessus uniquement le disponible : le salaire brut, les cotisations patronales légales, les remboursements de frais et éventuellement les avantages du type CESU, titres restaurant, etc. C’est hyper simple.
Pourquoi certaines sociétés de portage salarial ont-elles décidé de se faire auditer par la FEDEP’S ?
Pourquoi les sociétés de portage salarial souhaitent être auditées ? Parce que la FEDEP’S est le “UFC Que Choisir” du Portage salarial. Donc, certaines entreprises ont à cœur de démontrer leur transparence. La meilleure solution pour démontrer cette transparence, c’est d’ouvrir ses comptes : d’accepter que l’association FEDEP’S vienne avec un auditeur indépendant externe pour auditer les comptes. C’est la meilleure preuve que la société est transparente.
Combien de sociétés sont-elles labellisées ?
En juillet 2022, il y a 9 sociétés auditées et labellisées à jour. Dans les neuf sociétés, cela représente 25% à 30% du marché total du Portage salarial. Parmi les neufs sociétés, il y a de quoi choisir la société qui convient. Certains sont plus “high-tech”, d’autres sont plus “relations clients”, etc. On a vraiment le choix parmi les sociétés labellisées. Ensuite, il y a à peu près une dizaine de sociétés candidates qui sont aux portes et candidates au label Zéro Frais Cachés.
La FEDEP’S est-elle reconnue par les salariés portés, les syndicats et les sociétés de Portage salarial ?
La réponse est oui ! Absolument, de plus en plus ! L’association et le label Zéro Frais Cachés sont de plus en plus reconnus par les acheteurs, les salariés portés, les managers de transition, les formateurs, les consultants. Le marché adopte assez largement le label et a compris que dans le Portage salarial, il faut prendre une société labellisée et mettre en concurrence les sociétés labellisées. On est aussi largement reconnu par les sociétés qu’on dénonce. Elles ont mis en place tout un système de dispositifs de réponses, de dénonciation, de comités, de diffusion de fausses informations, de la mise en place d’un label un peu bidon, concurrent, d’auto-labellisation des entreprises ou d’auto-référentiel.
Combien de dossiers sont déposés par an ?
D’abord, on ne voit pas tout le monde parce qu’on diffuse de l’information et beaucoup de visiteurs viennent sur le site. Dans les demandes directes et des salariés qu’on accompagne au cas par cas, il y a à peu près 300 dossiers par an.
Existe-t-il un label concurrent au label Zéro Frais Cachés ?
Le label Zéro Frais Cachés est le seul label indépendant. C’est-à-dire, le seul label dont le référentiel a été conçu par l’association des défenseurs des utilisateurs. Il y a aujourd’hui des labels, notamment un label privé, qui a été mis en place et conçu en réponse au label Zéro Frais Cachés, dont le référentiel a été écrit par des sociétés et un syndicat patronal qui semble vouloir défendre des pratiques qui ne sont pas autorisées dans le label Zéro Frais Cachés. Il y a des tentatives pour essayer de semer une confusion sur le marché, avec d’autres types de label ou de certification. Je le redis aujourd’hui, le label Zéro frais Cachés de la FEDEP’S, association indépendante à but non lucratif des salariés en Portage salarial est le seul label indépendant qui garantit l’absence de frais cachés.
Comment se faire labelliser Zéro Frais Cachés ?
Le label Zéro Frais Cachés est ouvert à toute société de Portage salarial qui le demande. L’obtention du label est soumise à la validation d’une charte qui est le règlement d’usage de la marque de garantie du label Zéro Frais Cachés. Il faut donc que l’entreprise prenne connaissance de cette charte, y adhère et ensuite pour l’audit à proprement parler, il est en trois temps. Il y a un pré-audit fait par l’association qui est déclaratif, sur pièce. Ensuite, il y a un audit en deux temps, un temps sur le cloud et un temps en audit physique réalisé par un cabinet d’audit externe. Le coût de cet audit pour les sociétés de taille raisonnable en-dehors des groupes structurés est de 1 500 euros.
Répondez-vous à toutes les demandes qui vous sont adressées ?
Globalement, on essaie de répondre dans la semaine. Parmi les demandes, cela concerne des candidats au Portage salarial, des salariés portés qui se posent des questions sur les pratiques de l’entreprise de Portage salarial et des acheteurs de prestations intellectuelles qui mettent en place dans leur entreprise une démarche de RSE. Typiquement, sur les demandes, on répond rapidement sur l’analyse de frais cachés. Telle société a-t-elle une pratique de frais cachés ? Cela peut être par l’envoi de bulletins de paie, de comptes de portés… On a une veille sur une quarantaine à une cinquantaine de sociétés de Portage salarial où l’on connaît leurs pratiques. Après, on a des pratiques plus sur des litiges et ensuite des conseils en général sur le Portage salarial.
Quelle relation la FEDEP’S entretient-elle avec les syndicats patronaux et salariés ?
Il y a dans les deux organisations patronales, chez les adhérents et parmi les membres du bureau, des entreprises qui sont mises en cause directement à travers des plaintes de salariés portés et des informations judiciaires. Donc, les organisations patronales ont du mal à faire la transparence et à répondre positivement, à se positionner par rapport à la FEDEP’S, dans la mesure où, parmi les membres du bureau et leurs adhérents, il y a des sociétés mises en cause. La relation est un peu délicate. Concernant les syndicats salariés comme la CGT-Cadres, avec qui on travaille très bien, et des syndicats qui sont un peu plus absents des négociations, il faut savoir que les salariés portés sont très peu syndiqués donc, assez peu représentés par leurs syndicats.
La FEDEP’S dérange-t-elle ?
Oui, évidemment ! Puisque certaines entreprises de portage salarial surfacturaient tranquillement jusqu’à 9% de fausses cotisations patronales ou gonflaient les cotisations patronales. À partir du moment où l’on vérifie les bulletins de paie et l’ensemble des frais cachés, oui bien sûr, ces sociétés-là sont dérangées par l’action de l’association et mettent en place, parce qu’elles ont des moyens de communication, des contre-feux. Avec l’aide de leur syndicat patronal, elles essayent d’étouffer l’affaire.
Le label Zéro Frais Cachés en une phrase ?
C’est le seul label indépendant délivré par la FEDEP’S et qui garantit l’absence de frais cachés mais aussi le respect des réglementations et la solidité financière.
À quelle occasion la FEDEP’S a-t-elle connu Prium Portage ?
2017, début 2018, j’ai fait une veille pour connaître les pratiques des sociétés de Portage salarial. C’est dans le cadre de cette veille que j’ai identifié Prium comme une société pouvant être candidate et recommandée par l’association.
Depuis quand Prium Portage est-elle labellisée Zéro Frais Cachés ?
La société Prium Portage est labellisée Zéro Frais Cachés depuis août 2020.
Un dernier conseil ?
Il faut savoir qu’il y a 8 cas sur 10 des dossiers qui nous sont envoyés, qui ne sont pas conformes. Donc, ce n’est pas un luxe que de vérifier. Une simple précaution. Ça n’empêche pas d’avoir une bonne relation avec votre société de Portage salarial.