Avec plus de 70 000 salariés portés, le dispositif du portage salarial permet à un travailleur indépendant de confier sa gestion
(contrats, factures, salaires, frais professionnels, assurances, comptabilité…) à des sociétés prestataires de service, tout en bénéficiant de la couverture sociale d’un salarié (chômage, retraite, mutuelle…). Pour en savoir plus sur cette forme d’emploi, consultez notre guide sur les avantages et inconvénients du portage salarial.
Porté par un véritable engouement depuis sa légifération il y a une dizaine d’années, ce jeune secteur fait l’objet d’une franche guerre des prix. Les Entreprises de Portage Salarial (EPS) proposent des taux de frais de gestion pouvant varier de 15% à 5%, voire même à 3% pour certaines ! Mais derrière ce simple chiffre se cache une réalité souvent complexe, voire opaque, quant aux coûts réellement prélevés par ces entreprises à leurs salariés portés.
Cette complexité a donné lieu à des pratiques douteuses, au cœur d’une récente controverse dont les médias nationaux (France Inter, Les Échos, Le Monde, Capital, Europe 1, France Info) se sont largement fait l’écho.
Vous n’avez pas tout compris à cette polémique ? Alors accrochez-vous, on vous aide à y voir plus clair !
Le portage salarial est un dispositif apparu dans les années 1980. Il s’est peu à peu affirmé comme une nouvelle forme d’emploi visant à répondre aux mutations de l’économie.
La loi de 2008 l’inscrit dans le Code du travail et marque le point de départ de son récent développement : plus de 20% de croissance par an, selon le Syndicat des Professionnels de l’Emploi en Portage Salarial (PEPS), qui regroupe la majorité des entreprises de portage salarial.
Neuf ans plus tard, la convention collective de branche des salariés en portage salarial est signée. Cette consécration provoque un double effet qui semble contradictoire. Côté pile, cette activité propose désormais un cadre solide, mettant fin à l’incertitude juridique qui la caractérisait. Côté face, les pratiques de certaines entreprises de portage posent désormais question.
Certains salariés portés (dont aucun n’a été porté par Prium Portage) se sont étonnés de lignes supplémentaires sur leur fiche de paie et ont décidé de porter l’affaire en justice fin 2017.
Le plus souvent, on trouve la CVAE (qui a remplacé la taxe professionnelle), l’AGEFIPH (fonds pour l’insertion des personnes handicapées) et la responsabilité civile professionnelle (assurance obligatoire pour exercer).
S’y ajoutent parfois des références à la médecine du travail, à la taxe sur les véhicules de société, à la contribution sociale de solidarité des sociétés ou, plus énigmatiquement, à d’« Autres charges patronales ».
Nous allons dissiper un malentendu. En l’état, la pratique qui consiste à insérer des lignes de prélèvements supplémentaires sur un bulletin de salaire ne nous apparaît pas illégale. En effet, la convention collective du portage salarial prévoit que le montant disponible (c’est-à-dire le chiffre d’affaire du salarié porté, déduit des frais de gestion prélevés par l’entreprise de portage) est affecté à divers éléments, dont « les cotisations sociales patronales, salariales et autres charges ».
Ce qui en revanche pose problème, c’est que ces prélèvements sont généralement noyés dans la fiche de paie, sans que le salarié porté puisse les distinguer clairement des charges patronales. On peut alors pointer, a minima, un défaut d’information de la part des entreprises de portage salarial qui usent d’une telle pratique.
Rappelons ici la définition légale des charges ou cotisations sociales, soit : « l’ensemble des charges forfaitaires, ou proportionnelles au salaire, supportées par l’employeur (…) servant à financer les divers dispositifs et organismes publics chargés de la protection sociale : Sécurité sociale (assurance maladie, retraite), accidents du travail, allocations familiales, chômage, retraite complémentaire, mutuelle, etc. ».
Il nous semble par conséquent illégal de faire figurer, sur le bulletin de paie, une ligne simplement intitulée « Autres charges patronales » qui ne serait pas conforme à cette définition.
Un avenant à la convention collective du portage salarial devrait bientôt clarifier la nature des prélèvements sociaux, fiscaux et autres charges financées par le salarié porté.
Le second problème est le suivant : une charge, qu’elle soit patronale ou salariale, est calculée par rapport à un salaire brut, alors que les bases de calcul des prélèvements concernés portent généralement sur le chiffre d’affaires. Comment peut-on alors justifier le taux pratiqué ?
L’examen attentif des montants supplémentaires prélevés révèle que ceux-ci sont parfois supérieurs aux montants des impôts, taxes, cotisations et frais qu’ils sont censés couvrir.
Il apparaît donc que certaines entreprises de portage salarial auraient surfacturé ces prélèvements, en opérant une marge sur des impôts et des taxes, dans le but d’augmenter le montant de leurs frais de gestion.
Cette pratique est condamnable et illicite. Il ne s’agit ni plus ni moins de frais de gestion cachés pour le salarié porté.
L’entreprise de portage salarial peut ainsi proposer des taux dégressifs, frisant parfois l’extrême, en fonction du chiffre d’affaires généré par le salarié porté, puisqu’elle se rattrape sur des prélèvements directement calculés sur le salaire brut. Ce qui est donné d’une main est donc repris de l’autre.
Cette pratique fausse alors le jeu de la concurrence entre entreprises de portage, puisque le taux affiché n’est pas celui pratiqué.
Chez Prium Portage, depuis notre création en 2012, soit bien avant qu’éclate la polémique, nous militons au sein et à l’extérieur du PEPS pour :
Nous appliquons nous-mêmes ces principes au sein de notre société de portage :
La polémique de ces derniers mois exhorte notre jeune secteur à continuer sa marche vers une plus grande clarté, doublé d’un fonctionnement éthique. En tant que professionnels du portage salarial, nous devons nous interroger sur l’homogénéisation de nos pratiques et sur la transparence que nous devons à nos salariés portés. Celle-ci ne doit pas être un artifice de communication, mais doit s’imposer comme un impératif.
Car ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est la confiance que nous témoignent les milliers de travailleurs indépendants qui font appel à nos services ; c’est donc l’avenir de notre activité.
Nous restons convaincus que cette crise de jeunesse que nous traversons permettra au secteur du portage salarial de devenir enfin mature. Car, au-delà des controverses, si ce dispositif a suscité tant d’intérêt ces dernières d’années, il a su se rendre indispensable parmi toutes les nouvelles formes d’emploi, en répondant à un réel besoin de notre économie.
Hélène Diep et Vincent Ribaudo
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